Visiblement, les petits commerçants d'Eikenott, attendus pendant longtemps, sont également lésés par le syndrome d'irresponsabilité chronique et manque de réflexion, pas seulement les personnes âgées et à mobilité réduite et mamans à poussettes du quartier. J'ai donc interrogé M. Hermann Rawyler, le gérant du Prêt-à-Manger qui a bien voulu répondre à mes questions :
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Quelles ont été vos motivations pour prendre la
gérance d'un Prêt-à-manger à Eikenott ?
"J'ai une formation de boulanger-pâtissier et suis
parti de l'idée que je suis de la génération sans retraite, c'est ce qui m'a
motivé à construire ma propre retraite. J'ai eu cette opportunité via mon
ancien patron M. Desplanches, qui m'a proposé de devenir franchisé " dans
ce complexe."
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Pourquoi avoir choisi d'être gérant d'une chaîne
plutôt que de faire votre propre petite cuisine adaptée à la clientèle locale ?
"Par facilité. Si j'avais ouvert ma propre petite
boulangerie, cela signifiait zéro vie sociale, un énorme investissement
personnel. Cette opportunité me permet de diminuer certaines contraintes. Je
cuis cependant les pains et la petite boulangerie moi-même"
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Pour quelle raison avez-vous choisi cette chaîne
Prêt-à-manger Desplanches ?
"Je travaillais depuis 8 ans chez eux, je
connaissais donc les produits, le système par cœur, c'était dans la continuité
logique"
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Cela vous laisse-t-il la possibilité d'ajouter
d'autres produits dans le magasin ou pas ?
"Pas vraiment, cela dépend s'il y a des
spécialités locales ou pas. Je prends pour exemple un franchisé à Fribourg qui
peut proposer des pâtés à ses clients élaborés par une dame locale, qui fait
des pâtés très réputés et de très bonne qualité. C'est donc au cas par
cas"
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Pensez-vous que les prix de la gamme sont adaptés au
quartier d'Eikenott ?
"Oui et non, car toutes les classes sociales y
sont représentées. Les propriétaires PPE eux n'ont aucun problème à venir chez
moi, mais les personnes aux plus faibles revenus vont se cantonner au pain ou
petites boissons."
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La recherche d'une arcade a-t-été facile ?
"L'arcade était déjà trouvée dès le début par M.Desplanches qui avait eu vent d'un désir du quartier d'ouvrir une
boulangerie-pâtisserie ici. Il a donc reçu une offre".
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Que représente un tel investissement sur le plan
financier et humain ?
"Financier, très conséquent. Remboursement sur
une dizaine d'année de CHF
450'000.00, plus le loyer mensuel de l'arcade de CHF 10'000.00 et les
charges. J'ai dû en apport personnel investir CHF 80'000.00, le reste relevant
d'un prêt bancaire grâce à l'appui du Groupe Desplanches qui a fortement aidé
les négociations."
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Quelles ont été les difficultés que vous avez
rencontrées ou rencontrez encore ?
"Sur le plan technique, ce bâtiment Minergie est
une horreur. Ce genre de construction n'est pas du tout prévu pour des magasins
alimentaires. La demande en énergie, la climatisation, l'aération etc… La régie
répond qu'un bâtiment Minergie met 2 à 3 ans pour s'auto-régler. En attendant,
je galère clairement sur ces sujets.
Sur le plan de la construction, nous devions ouvrir
mi-août 2014, en même temps que la Coop. Le temps de se mettre d'accord avec le
propriétaire (Vaudoise assurances), le constructeur (Losinger-Marazzi),
l'architecte et les démarches administratives, ont fait que cela n'a pas été
possible. On a failli ouvrir mi-décembre, soit 4 mois plus tard, mais le
service des Bâtiments de la Commune de Gland a refusé l'autorisation d'ouverture, car
une marche et une ventilation ne leur paraissaient pas conformes. Nous avons dû
faire revenir l'architecte, l'entreprise de ventilation et les autres
intervenants après Noël. J'ai enfin réussi à ouvrir en février, soit six mois
plus tard, avec une dérogation spéciale de la Commune limitant à 9 places
assises maximum et sans alcool pendant trois mois, le temps d'avoir les
autorisations officielles.
C'est un gros manque à gagner pour un
boulanger-pâtissier de n'avoir pas pu ouvrir pour Noël.
Un problème de parking se pose aussi. Seule la Coop
bénéficie de jetons pour une première heure gratuite. La pharmacie, le Centre
médical, et moi-même, n'y avons pas droit. Pour nos client, le parking est
payant dès la première minute, ce qui est totalement anti-commerçant et nous
pénalise fortement selon les échos que nous avons de notre clientèle. Nous ne
demandons pourtant pas la lune, la première heure, de sorte que les malades
puissent aller à leurs consultations ou radiologie, que d'autres puissent
s'arrêter un moment pour boire un café ou acheter leurs médicaments à la
pharmacie. Nous avons demandé à la
régie Comptoir immobilier de faire un geste. Ils nous ont demandé d'attendre
l'automne 2015 pour se déterminer, à savoir s'ils vont nous fournir des jetons
à moindre prix, car nous devrons les payer pour dépanner nos clients !"
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J'ai entendu parler d'un gros problème de stores
également et eu échos de clients se plaignant de grosse chaleur l'après-midi
dans le tea-room ainsi que d'une luminosité aveuglante.
"J'essaie de joindre tous les jours la régie pour
ce problème de stores automatiques qui ne fonctionnent pas. C'est une station
météo sur le toît du bâtiment qui gère tous les stores du bâtiment. Selon la
luminosité ou s'il y a trop de vent, ils sont censés se baisser ou pas. Cela ne
fonctionne plus du tout, ils ne se baissent plus la journée mais se baissent la
nuit. Des boutons étaient prévus à la base dans la construction pour avoir un
contrôle manuel des stores en cas de besoin, mais ils n'ont pas été installés
dans mon magasin. La pharmacie, elle, les a eus d'office."
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Qui devait faire en sorte que vous ayez ces boutons de
contrôle ?
"La régie et l'installateur électricien qui les a
posés à la pharmacie. J'appelle tous les jours, je laisse des messages et cela
me fait très peur pour cet été, les énormes baies vitrées étant en plein soleil
tout l'après-midi. Cela génère déjà de gros frais d'électricité, car les frigos
pâtisserie et petite restauration tournent à plein régime en continu".
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Savez-vous que vous perdez des clients à cause de cela
? La chaleur à l'intérieur est ingérable les jours de soleil
"Absolument, j'en ai conscience. Je perds des
clients à cause du parking, de la chaleur à l'intérieur du tea-room, de
l'absence de terrasse et j'en ai perdu en cause des délais à l'ouverture. Le
constructeur et la régie m'ont fait comprendre qu'ils faudrait mettre de la
climatisation, mais tous les professionnels du bâtiment qui sont passés dans
mon magasin m'ont clairement dit qu'une climatisation dans un tel local aux
plafonds très hauts et avec d'énormes baies vitrées qui n'ont pas de filtres
anti-UV de ne servirait à rien du tout.
Nous ne sommes qu'au milieu du printemps et la
température ce jour était de 32 degrés dans mon magasin. Imaginez quand il fera
30 degrés à l'extérieur en été ! Après Pâques, le peu d'œufs en chocolat qui
restaient, ressemblaient à Hiroshima. Ce problème de stores doit être
impérativement réglé."
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Pourquoi la terrasse de quelques tables et chaises que
tous les résidents et surtout les personnes âgées et à mobilité réduite du
complexe attendaient impatiemment a-t-elle disparu ?
"Il s'agit d'un malentendu entre la Commune et
moi, j'avais compris qu'il y avait une mise à l'épreuve de 30 jours afin de
savoir s'il n'y avait d'opposition à l'ouverture dans le quartier. Les 30 jours
écoulés, j'ai cru y avoir droit. Ensuite, cette limitation de nombre de chaises
reste valable pendant plusieurs mois jusqu'à ce que la Police du Commerce donne
son feu vert. J'ai donc dû retirer la petite terrasse qui n'est restée là
qu'une semaine."
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A quel moment les résidents d'Eikenott, surtout les
personnes âgées qui n'ont aucun espace de rencontre possible depuis un an et
visiteurs peuvent-ils espérer boire un café au soleil ?
"J'espère, fin mai"
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Combien d'employés avez-vous actuellement ?
"Deux employés à 50 % chacun. La vendeuse réside
dans le quartier, elle apprécie de pouvoir faire de temps en temps la
fermeture, cela me permet de faire les différentes démarches administratives,
banque, Commune, etc… pendant les heures d'ouverture de bureau ou de faire ma
comptabilité sur place. Le second employé est assistant-manager et travaille à
50 % ici et à 50 % sur Genève."
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Arrivez-vous à assumer financièrement ? Si non, quand
pensez-vous pouvoir le faire ?
"En ce moment je ne tourne pas du tout
financièrement. Je réalise trois fois moins que le minimum requis, je tourne
totalement dans le rouge, raison pour laquelle j'attends impatiemment
l'autorisation pour la terrasse qui génère une augmentation de la clientèle et
rend la visibilité pour les promeneurs plus évidente, car le dimanche par
exemple, personne ne voit que c'est ouvert.
Pour l'instant, il m'est impossible de me verser un
salaire, je suis donc en retard dans le paiement de mon loyer personnel et
autres frais, ainsi que dans celui de l'arcade.
Je pense qu'il faudra au moins deux ans pour arriver à
tourner correctement."
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Si c'était à refaire, le referiez-vous ?
"Oui, qui ne tente rien n'a rien. Je savais dès
le départ par l'expérience de mes pairs, que ce serait très difficile au début.
Je garde le sourire, le moral. Ce ne sont pas les problèmes à répétition qui
vont m'arrêter. Tant que je ne suis pas dos au mur, je continue."
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Bravo M. Rawyler. Vous êtes courageux, travailleur,
optimiste.
"Comme je le disais au départ, je suis de la
génération des futurs sans retraite. Si on ne tente pas tout au départ, on
n'aura rien. Nous devons nous occuper de nous, nous-mêmes. Il est clair que les
petits commerçants sont peu aidés dans ce pays. Si cela ne fonctionne pas ici,
je recommencerai ailleurs. La Terre est vaste."
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Etes-vous membre de l'Association Commerciale de Gland? ACG
"Non, j'ignorai que cela existait, mais
maintenant que je le sais, vais me renseigner. A plusieurs, on est toujours
plus forts."
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Merci M. Rawyler de m'avoir accordé cet instant et de
votre franchise.
* * *
Et l'entrée et sortie obligatoire par la sortie de secours :
Espérons qu'aucun malvoyant n'aura dû sortir par là.
A bientôt pour la suite
Le Tigre
Dure dure la vie d'indépendant et s' agissant d'un franchisé c'est encore plus difficile. Son manque à gagner du fait des incompétences notoires est gravissime.
RépondreSupprimerLe trouve bien courageux ce jeune homme. Voire téméraire. Ce qu'il aurait fallu faire ici, c'est un grand centre commercial avec un peu tout, un parking adéquat, etc... Cela aurait permis aux citoyens de Gland de venir s'approvisionner en chaussures, vêtements, objets pour la maison, boucherie, poissonnerie, tout ce qui manque ici au lieu de les obliger à prendre leur voiture pour aller à Nyon et pour les personnes âgées de devoir payer des transports accompagnés très onéreux pour s'acheter un slip ou un pyjama. Rien ne fonctionne, pour personne, ni les locataires, ni les petits propriétaires PPE, ni les commerçants. Le Centre médical qui a une radiologie n'est pas accessible aux scooters élecriques, une personne qui aurait une jambe plâtrée à l'horizontale en fauteuil ne pourrait pas monter, la petite Coop qui était au centre du village et venue s'installer ici est encore plus petite, la pharmacie n'a qu'un seul fournisseur imposé ce qui rend impossible la commande de certains médicaments, le bancomat est trop haut et pas accessible en fauteuil... ils étaient 15 à le mettre en place ! Et sur 15 personnes il n'y en a pas un qui a réfléchi.
SupprimerEt en plus le parking est payant sauf pour la Coop. Une personne qui vient amener tous les 2 jours un malade en fauteuil pour quelques soins rapides au Centre médical doit payer dès la première seconde.
A mon avis tous ces petits commerçants vont bientôt être sur la paille. Les loyers sont très élevés ici et pas du tout en adéquation avec ce qui est proposé et encore moins ce qui a été promis, excepté ceux de l'immeuble protégé et celui subventionné qui ne représentent qu'une toute petite partie du complexe.
On appelle cela des faiseurs de pauvres.
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerDésolée Mme Deshant mais ce blog n'a pas pour but de faire l'intermédiaire entre prêteurs et emprunteurs ;)
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