Ce soir, j'ai vu l'impossible une fois encore à Eikenott, des petits vieux livrés à eux-mêmes, parachutés dans une technologie à laquelle ils ne comprennent rien, une administration qu'ils sont incapables de gérer, des exigences auxquelles ils ne peuvent faire face.
Demain, notre régie FONCIA fait le tour de l'immeuble pour un recensement des travaux ou réparations non effectuées, la garantie du constructeur arrivant à échéance, alors que nous attendons depuis 19 mois que celles-ci puissent avoir lieu, sans aucune réaction de leur part.
19 mois c'est long, très long avec certaines réparations urgentes.
De retour depuis peu après une absence d'un mois, avec une procédure sur les bras, je m'inquiète de savoir si notre doyenne de 90 ans a bien fait sa liste de réparations en attente.
Elle ne sait absolument pas de quoi je parle :-) Je descends donc avec la lettre de FONCIA et lui demande si elle l'a reçue. "Ah, mais ça me dit quelque chose, je l'ai peut-être classée, vais voir".
Dans son classeur, rien. Elle confond le sujet avec un sondage d'auto-satisfaction de Losinger-Marazzi, qu'elle n'a pas rempli, Elle n'a pas agendé le rendez-vous de Foncia, ni fait sa liste. La confusion s'installe, l'oubli, elle avait déjà de la peine à retrouver son immeuble pendant des mois, aucune indication de rue n'étant donnée.
Nous faisons donc ensemble le tour de l'appartement. A peine énoncé, un problème est dans les deux minutes qui suivent, le temps d'aller écrire sur son papier, déjà oublié.
Les personnes âgées ont des problèmes de mémoire, tout le monde le sait. Personne, dans cet immeuble, même les personnes âgées à la mémoire encore vaillante ou presque, n'a pensé à le lui rappeler ou s'inquiéter de savoir si elle avait fait le nécessaire. Encore moins les jeunes qui représentent 95 % d'un immeuble seniors et mobilité réduite.
Elle se serait retrouvée demain, en oubliant tout, devant des gens dont elle ne savait pas ce qu'ils venaient faire là et de fait, responsable financièrement de tous les travaux futurs si elle n'indiquait pas les réparations à faire, épée de Damoclès levée sur sa tête que se serait empressée d'abattre la cupidité.
J'observe en même temps, qu'on lui a mis une alarme porte à plusieurs milliers de francs dont elle n'a pas besoin, ses besoins étant surtout de pouvoir avoir une alarme d'urgence en cas de chute ou malaise, comme Secutel, qui n'est pas possible dans ce complexe, cause fibre optique et pourtant promis dans les brochures et vendus par le CMS à tort. Mais d'autres, nouvelles, auraient été possibles, intelligentes, non invasives, créées par des jeunes vaudois et cet argent aurait pu servir à cela. C'est ce qui se passe lorsqu'il n'y a aucun conseil, information, autour de nos petits vieux.
J'observe aussi, qu'après 19 mois, elle ne sait toujours pas qu'elle peut descendre la fixation du pommeau de douche, car personne ne le lui a expliqué. Le lui remets à la bonne hauteur.
Ce que je savais déjà, c'est qu'elle se fait à manger depuis 19 mois sur un petit réchaud 1 plaque, ne pouvant se servir de la cuisinière à induction et qu'elle n'a jamais utilisé son four, ni sa machine à laver la vaisselle. Impossible donc de dire si ceux-ci fonctionnent ou pas.
C'est dans ce monde-là que nous vivons. Ne pouvons-nous pas laisser tous ces petits vieux à l'abri de tous ces tracas administratifs sans autre velléité que celle du profit ? Et les laisser finir leur vie en faisant juste ce qu'il aiment le mieux faire ?
Elle serait mieux dans un immeuble protégé me direz-vous. Moui, cela dépend lequel, celui d'Eikenott a un référent qui ne vient qu'une fois par semaine pour faire à manger…
Celui de notre immeuble n'a jamais existé. Notre salle commune de 100 m2 est vide de tout aménagement et donc inaccessible depuis 19 mois, la solidarité ne peut pas se créer, tout est fait pour qu'elle ne puisse pas se créer. Ce quartier n'est qu'un dortoir pour les jeunes, un handicap constant pour les mobilités réduites et un mouroir pour les vieux.
Et puisque ma "Princesse" de l'immeuble aime tellement la musique offrons-lui le meilleur :
ROBERTO POLI PLAYS CHOPIN SCHERZO IN B-FLAT MINOR, OP. 31 - LIVE RECORDING
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Non, je ne suis pas fière, ici, d'être née.
Le Tigre